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Interview

[Interview] John, depuis 27 ans au Québec !

Mis à jour le 15 février 2017

John m’a contacté pour me proposer une interview de lui, Français au Québec depuis… 27 ans !

1- Peux-tu te présenter en quelques lignes ?

Un Français de 44 ans originaire de champagne, immigré il y a 27 ans au Québec pour le Hockey sur glace. Après des études terminées à Montréal, je suis resté car la vie me semblait plus alléchante ici. Je me suis donc décidé à faire les papier d’immigration après 5 années sous un visa étudiant. Après 15 ans dans le milieu corporatif (télécom et banque) j’ai fait le grand saut dans la restauration pendant 7 belles années. En 2015, j’ai créé mon entreprise sur le net.

2- 27 ans c’est énorme ! Tu as donc maintenant passé plus de temps au Canada qu’en France. Qu’est ce que ça fait ? Est-ce que tu te sens aussi Canadien que Français ou plus Canadien que Français ?

Eh bien maintenant en France je suis le Canadien et au Canada encore le Français !!! Je me sens chez moi dans la maison de mes parents et celle de ma famille mais sinon je me surprends à réagir comme un touriste en France et me perds parfois dans ma propre ville natale. Tout a changé alors les repères de mon enfance sont le noyau familial qui m’aide à préserver mes racines ! J’ai gardé seulement 3-4 amis en France. Je me sens toujours plus Français que Canadien mais je me sens plus chez moi au Canada c’est bizarre ! Mais je vis très bien cela et pour moi c’est une richesse.

3- Y avait il déjà beaucoup de Français au Québec et au Canada en général dans les années 80 ? Quelles différences vois tu en 2016 ?

C’est absolument incomparable, il y avait quand même une bonne communauté à l’époque mais avec les accords que les 2 pays ont fait c’est devenu hallucinant.

On entend parler avec l’accent français partout maintenant et la conjoncture économique en France propulse les demandes d’immigration d’après moi.

Mais beaucoup reportent aussi… L’immigration française est beaucoup plus jeune qu’avant et les immigrés français vont partout au Québec et au Canada. Avant c’était le Plateau Mont-Royal et Outremont qui étaient largement plébiscités.

Le plus flagrant est le fossé qui existe entre la vision que les Français ont du Canada et la réalité ! C’est un gros choc et beaucoup ne s’y font pas.

Pour avoir côtoyé des Français ailleurs dans le monde c’est différent car la langue française fait en sorte que nous croyons que les francophone au Canada vivent comme en France et beaucoup n’arrivent pas à s »adapter. Alors qu’au Chili, Argentine, Afrique, Espagne ou autre, il faut apprendre la langue et c’est déjà une sacrée porte d’entrée pour l’adaptation !

4- Peux tu nous parler de ta situation professionnelle en 27 ans ? Quels petits boulots as-tu fait ? As tu vite réussi à faire ton trou au Québec ?

Comme pour la plupart des immigrés, on commence souvent au bas de l’échelle.

En étant étudiant, je ne pouvais pas travailler alors je faisais de la peinture d’appartements avec le concierge de mon immeuble pour gagner un peu de sous.

J’ai débuté ma carrière comme téléphoniste dans un centre d’appel (télémarketing) et j’ai eu l’opportunité de monter les échelons comme superviseur d’équipe et superviseur en chef. J’ai évolué par suite comme directeur principal pour de grosses sociétés dans le télécoms et les institutions financières. J’ai eu jusqu’à 550 employés sous ma direction. L’expérience est très reconnue au Canada. Le diplôme juste une porte d’entrée.

Et ils font beaucoup confiance à ceux qui montrent de la volonté. Ensuite j’ai exploré le monde des ventes internes avec une équipe de représentants sur la route partout au Canada pour une carte de crédit de renommée mondiale. L’évolution a quand même été assez rapide et mes attentes étaient probablement plus basses qu’une personnes qui a déjà plusieurs années d’expérience en immigrant mais c’est la réalité en Amérique du Nord. Aussi, il faut noter que l’anglais m’a permis d’avancer plus vite.

5- Dirais tu qu’il était plus facile de monter dans la hiérarchie à ton époque ? On entend beaucoup parler de jeunes Français au Québec qui ont du mal à trouver du boulot dans leur branche

Non je ne pense pas que c’était plus facile à mon époque.

Tout est question d’attitude et de patience je pense. Il faut savoir être patient et ne surtout pas s’attendre à retrouver le même boulot que l’on a laissé en France, à moins d’être très spécialisé. Il faut se fondre dans la masse et jouer avec les relations personnelles et bâtir un réseau interne et externe.

6- Tu disais que tu te sens plus Français que Canadien. Peux-tu nous expliquer pourquoi ? As-tu davantage d’amis Français ou plutôt Québécois ?

Non c’est cela qui est étrange, j’ai quelques amis Français mais mon cercle d’amis est plus Québécois.

Le fait que j’ai quitté Montréal pour la banlieue nord et que mes enfants jouent au hockey ont fait que j’ai davantage été en contact avec des Québécois. Alors oui je me sens toujours plus Français de part ma culture, ma famille et mes habitudes mais j’ai une capacité importante à m’adapter n’importe où. Et je pense que pour immigrer il faut avoir un certain degré de capacité à s’adapter.

J’avoue qu’au début je fréquentais beaucoup plus de Francais (école et travail). Et puis j’ai quand même beaucoup d’amis qui s’amusent à me rappeler que je suis Français… (rires) ça ne changera jamais.

7- A ton avis et grâce à ton expérience, quelle est la manière la plus simple de s’intégrer au Québec et de se faire des amis Québécois ?

Au travail et par l’entremise des enfants si vous en avez.

Les enfants sont invités à des « partys de fête » et tu fraternises avec des parents. On t’invite à souper et hop c’est parti ! Ensuite ça va très vite car les Québécois sont très sociables et aiment bien faire la fête alors ça fait avancer rapidement le développement de ton réseau social.

8- Comment décrirais tu les Québécois par rapport aux Français ?

Les Québécois sont des personnes avec moins de barrières sociales, curieuses, ouvertes d’esprit. Un avocat peu avoir un ami qui est ouvrier en usine etc… En France les cases sociales sont quand même plus importantes. Les Québécois deviennent vite tes amis.

9- Tes enfants se sentent-ils un peu Français ou sont-ils surtout Québécois ? Voudraient-ils un jour aller vivre en France ou ça ne les intéresse pas du tout ?

Non ca ne les interesse pas du tout. Il se sentent plus Canadiens. Même s’ils adorent aller voir la famille en France, il se sentent plus Québécois.

Ils sont métissés (mon ex femme est Ivoirienne) mais les gens ne s’attardent pas à ça. Ils sont fiers que leurs parents aient des origines différentes des autres et parlent avec l’accent français avec nous mais avec les amis ils parlent comme les jeunes Québécois ! Moi aussi d’ailleurs, je suis assez caméléon mais encore là cela dépend de ta personnalité.

10- Tu as créé le site lafinegrocerie.com (NB du 30/01/17, le site ne semble plus exister) qui propose des produits d’épicerie fine (dont des produits français) partout au Canada. Peux-tu nous en parler ?

Oui avec plaisir! En fait l’idée est le fruit de toutes ces années en tant qu’immigré au Québec. Malgré les années, je suis toujours en manque de certains produits que je consommais en France. L’offre est beaucoup mieux maintenant mais pas partout et faire 3-4 boutiques pour trouver tout ce que je désire c’est pas trop mon truc. Alors je me suis dis que je ne devais pas être le seul à avoir envie de retrouver certains produits de mon enfance et je devais faire quelque chose pour répondre à ce besoin. Les Français sont partout au Canada maintenant et plus seulement au Québec. Et internet était l’outil qui me permettait de rendre accessibles ces produits. Et comme je te le disais, cette épicerie est un peu le reflet de mon intégration et de mon éducation, puisque en tant que fils de boulanger j’ai toujours aimé les bonnes choses et je suis fier que le Terroir Québécois se soit développé.

Il y a 27 ans je ne te raconte pas ! On ne trouvait rien ! Alors je me devais, après avoir été propriétaire d’un restaurant dans le passé, de mettre à l’honneur le Québec. La grandeur du territoire ne permet pas une distribution facile pour les petits producteurs alors j’ai cette volonté de donner un coup de main à des passionnés comme moi. Lafinegrocerie.com c’est aussi un portail qui permet aux producteurs d’avoir un rayonnement très large gratuitement.

L'auteur(e)

Arrivée au Canada en 2010 avec une RP en poche, Lisa a vécu 3 ans à Toronto et vit depuis 2014 à Calgary. Elle est devenue canadienne en 2015 juste avant la naissance de son fils, un petit franco-canadien. Elle est désormais freelance à plein temps et maman de deux enfants.

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