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Interview

[Interview] Loïc, 10 ans au Canada et retour en France

Mis à jour le 21 mars 2023

Loïc est le deuxième à se prêter au jeu des questions sur le retour en France. Il m’a aussi contacté via Facebook pour me parler de son expérience canadienne et de son retour en France. Son parcours est singulier et j’espère qu’il pourra vous aider !

1) Salut Loïc, tu as un parcours assez singulier ! 1 an d’études aux USA, puis des études au Canada et enfin une installation au Canada pendant 10 ans ! Peux-tu nous en dire plus ?

Salut Lisa, comme tous les jeunes ados, j’étais attiré par la culture pop des Etats-Unis, j’écoutais beaucoup de rap/rock US (Eminem, Dr Dre, Jay Z, limp bizkit, AC/DC etc.) et je faisais beaucoup de skateboard, j’avais grandi en regardant des séries comme Beverly Hills, Sauvé par le Gong, Felicity etc. du coup j’avais envie de vivre ça. Vu que j’ai de la famille las bas, ça n’a pas été compliqué d’y aller.

2) Tu me disais que le système français universitaire te semble archaïque, peux-tu nous expliquer pourquoi, de ton point de vue, c’est mieux en Amérique du Nord ? Peux-tu aussi nous expliquer les grandes différences des deux systèmes ?

Ca a beaucoup évolué depuis avec les diverses réformes et le système d’UV mais à l’époque le système universitaire français était trop généraliste et rigide, on t’obligeait à prendre des matières et à les réussir avant de pouvoir passer en année supérieure. Tu te retrouvais à faire des statistiques alors que tu voulais te spécialiser en littérature, tu pouvais rater ton année parce que t’avais pas la moyenne dans une matière.

Le système nord-américain est beaucoup plus flexible car on étudie à son rythme et en dehors de la première année où il faut prendre quelques cours d’ordre général, on se spécialise dans un domaine très vite. De plus la notion d’échec ne se joue qu’au niveau d’un cours pas d’une année, on peut rater un cours, ce n’est pas grave, on le refait après, l’essentiel est d’avoir une certaine moyenne quand on veut avoir son diplôme. Chacun gère sa charge de cours comme il l’entend. C’est beaucoup plus flexible pour des jeunes gens qui ont besoin de s’essayer avant de trouver leur voie.

3) Peux-tu aussi nous expliquer pourquoi après 1 an à DC, tu es parti au Canada ?

A la base j’étais censé aller chez mon oncle à San Ramon dans la banlieue de San Francisco mais il a déménagé à D.C juste avant que je ne débarque du coup ça a un peu changé la donne, DC pour un ado qui fait du skateboard, c’est moins cool que San Fran. J’ai fait de l’anglais en ESL, j’ai par la suite voulu intégrer UCSF Berkeley mais c’était trop cher, j’ai donc opté pour le Canada, Vancouver était mon 1er choix mais il n’y avait plus de place à UBC donc je suis allé à Toronto.

4) Après ça tu t’es mis à travailler mais tu n’as pas beaucoup aimé le mode de travail à la canadienne. Peux-tu nous expliquer pourquoi ?

Pas canadienne, anglo-saxon, c’est pareil aux USA, UK, et en Australie.

J’ai grandi dans un environnement franco-latin, j’ai des origines afro-brésiliennes ce qui fait que l’aspect humain et social me sont importants. Contrairement aux latins, les anglo-saxons ont une culture très individualiste. L’intérêt de l’individu passe avant toute chose, dans le milieu du travail ça peut facilement devenir la jungle, tout le monde est souriant mais dès qu’on peut torpiller l’autre on n’hésite pas, ce n’est pas fait par méchanceté, c’est juste comme ça que le système fonctionne, on ne fait jamais rien sans intérêt. De même on n’a pas de vie sociale avec ses collègues, on fait ses horaires et à 17h tout le monde part de son côté.

5) Quels sont les points forts et les points faibles du Canada selon toi ?

Le Canada est un pays grand avec une petite population très diverse dans les grandes villes (Toronto, Montréal, Vancouver, Calgary). C’est un excellent endroit pour tout jeune dynamique en quête d’expérience professionnelle.

Contrairement à ce qu’on peut penser, on ne va pas au Canada pour devenir riche. Il vaut mieux être classe moyenne en France que classe moyenne au Canada. Le Canada est surtout un havre de paix pour les gens qui fuient les guerres, les persécutions ou l’insécurité et qui ne demandent que 3 choses: un boulot, une maison, une école pour les enfants. Si vous avez déjà ça et un niveau de vie confortable, vous aurez difficilement plus au Canada.

6) Après 10 ans, tu as tout plaqué et tu es retourné vivre à Paris ! Pas une mince affaire non ?

Non ça n’a pas été évident, car le système nous met dans un certain confort matériel qu’il est difficile de délaisser. J’avais mon appart flambant neuf de 50m2 en centre-ville, avec piscine, salle de musculation et sauna; j’ai tout laissé pour me retrouver dans un 20m2 mal isolé à Paris. Mais au final, je n’avais pas grand monde avec qui partager ce confort, je travaillais trop et je rentrais crevé tous les soirs.

7) Et puis tu as de nouveau fait des études en France ! On dit que c’est compliqué passé un certain âge, qu’est-ce que tu en penses ?

Ça peut l’être, mais j’étais motivé, si on sait ce qu’on veut on fait les choses, si on ne sait pas trop où on va, on traine et on se perd.

8) Tu as ensuite été en stage puis tu travailles depuis 4 ans chez un grand compte dans l’Edition de logiciel. Comment tu trouves le mode de travail ? Est-ce plus adapté à tes envies et attentes ?

On papote beaucoup au boulot, les réunions sont trop longues, on n’est pas assez réactif, on cherche toujours un coupable avant de trouver une solution MAIS on dit ce qu’on pense, on comprend que les gens ont une vie en dehors du boulot, on a 8 semaines de vacances, on est solidaire, on peut refaire le monde pendant un déjeuner d’1h30 avec ces collègues, on a un CE qui nous chouchoute nous et notre famille.

Le latin ne sait pas différencier boulot de la vie privée, l’avantage c’est qu’on se fait de vrais amis, l’inconvénient c’est que quand y en a un qui casse les pieds, il te casse les pieds toute la journée. Ce n’est pas pour tout le monde.

9) Tu m’as aussi dit que ton expérience canadienne avait beaucoup aidé, tu peux nous expliquer pourquoi ?

Travailler chez les anglo-saxons m’a appris à mieux me valoriser sur le marché du travail, à être plus individualiste quand c’est nécessaire, à avoir l’œil pour saisir les bonnes opportunités, à rester professionnel avec des gens qu’on n’aime pas et à être plus pragmatique.

10) Au final, tu es content de ton retour ? Quels sont les points forts et faibles de la France selon toi ?

Oui j’en suis content, le Canada et les USA m’ont appris à aimer la France, le standard de vie français est inégalé, on peut partir ailleurs mais on revient toujours. Même si on n’est pas riche, on vit bien. On travaille pour vivre et non le contraire.

11) Tu me parlais des Français issus de l’immigration qui pensent que la vie est plus facile en Amérique du Nord, qu’en penses-tu, toi qui as testé les deux pays ?

Les Français dont les parents sont issus de l’immigration doivent s’assimiler au mode de vie à la française (qui peut être malheureusement contradictoire avec leur valeur d’origine) s’ils veulent bénéficier de tous les atouts de la société. Beaucoup d’entre eux, aspirent au communautarisme comme on le retrouve dans les pays anglo-saxons, on met les gens dans des boites et on les laisse moisir dedans. Je fais souvent la métaphore de l’appartement, dans les pays angle saxon, tu frappes à la porte et on te dit entre mais reste dans la chambre, on ne veut pas te voir au salon ou ailleurs. En France on te dit, entre mais t’enlèves tes chaussures, on fait le ménage chacun notre tour etc.. Il y a des règles à respecter, si tu les respectes tu jouis de l’appart dans son intégralité, si tu refuses d’enlever tes chaussures, on te met à l’écart. Beaucoup pensent qu’il n’y a pas de racisme en Amérique du Nord, ce qui est plus ou moins vrai tant qu’ils se contentent de rester dans leur communauté mais dès qu’ils essayeront d’en sortir ils se prendront les foudres d’une autre communauté.

12) Un mot pour la fin ?

Il est important de faire une expérience en Amérique du Nord, partir travailler 2 ou 3 ans pour comprendre comment fonctionnent les choses. C’est une expérience enrichissante qui permet de mieux mettre les choses en perspective, on rencontre énormément de cultures diverses (si on est ouvert) qui nous montrent qu’en tant que Français on ne devrait pas être les premiers à se plaindre.

L'auteur(e)

Arrivée au Canada en 2010 avec une RP en poche, Lisa a vécu 3 ans à Toronto et vit depuis 2014 à Calgary. Elle est devenue canadienne en 2015 juste avant la naissance de son fils, un petit franco-canadien. Elle est désormais freelance à plein temps et maman de deux enfants.

1 Comment

  • Ehouarn Perret
    16 septembre 2018 at 1:48 pm

    Entièrement d’accord avec ce témoignage, sans avoir passé 10ans au Canada, j’en suis arrivé aux mêmes conclusions.
    On est pas si mal en France, ce qui peut-être pesant c’est le râlage ambiant et parfois le manque de proactivité et de positivisme.

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