Abdelkader est le tout premier marocain à se prêter au jeu des questions réponses sur French With Benefits ! Avec sa grande expérience du Canada (12 ans !) et ses multiples expatriations, il devrait répondre à beaucoup de vos questions.
1- Salut Abdel, est-ce que tu peux te présenter en quelques lignes ? Tu fais quoi dans la vie, où habites-tu, tu as des enfants ?
Je suis un jeune Marocco-Canadien dans la mi-quarantaine. J’ai toujours été attiré par la différence culturelle et linguistique entre les peuples, j’aimais chercher où se trouve tel ou tel pays sur le globe, quelle est leur capitale, leur grandes villes, quelles sont leur us et coutume, quelle langue parlent-il… en plus j’aime la nature, les voyages et la photographie.
Je suis commis de bureau au gouvernement fédéral Canadien, j’habite à Fredericton (NB), je suis marié et je n’ai pas encore d’enfants.
2- Tu es Marocain et a passé ton enfance en France puis vers 30 ans tu es parti vivre au Canada. L’expatriation fait donc partie de ta vie, tu peux nous dire comment tu as vécu tous ses déménagements ?
Oui je l’affirme.
Je suis né au Maroc et l’année suivante ma famille a immigré en France. J`y ai passé mon enfance, puis à l’âge de 7 ans ce fut le retour au bercail (au Maroc).
Cet attachement à mon côté francophone en plus de cette envie de vouloir découvrir le monde étaient parmi les raisons de vouloir m’expatrier, donc subconsciemment je cherchais une place ou on peut utiliser la langue française, ainsi le choix du Québec me paraissait judicieux.
Si le choix de la France et le retour au Maroc étaient ceux de mes parents, le choix de s’expatrier au Canada était de mon propre gré et personnel.
À une certaine période il y avait un effet de mode : chaque famille marocaine avait un enfant ou un membre de la famille qui est émigrant soit en Europe ou au Nord de l’Amérique.
Je pensais au début à la France mon pays d’enfance, mais la procédure administrative pour y aller étudier était difficile (le côté financier ne m’aidait pas non plus) et y immigrer tout court, était parsemé d’embuches.
D’autre part, j’entendais beaucoup plus d’échos positifs de mes compatriotes marocains qui immigrent aux États-Unis comparativement à ceux qui ont choisi l’Europe.
Comme j’améliorais mon anglais, je penchais donc vers l’idée d’aller vivre aux États-Unis. Or les fâcheux évènements du 11 septembre ont compliqué les choses. Après une mure réflexion, je trouvais que le Canada en général, et le Québec en particulier, présentaient une bonne opportunité de joindre l’utile à l’agréable : le Nord de l’Amérique en français. J’ai donc pris la décision d’immigrer au Canada.
3- Quelles différences importantes vois-tu entre ces 3 pays ? Pourrais-tu nous donner 3 grands avantages et inconvénients de chacun des pays cités ci-dessus ?
Comme je n’ai vécu que mon enfance en France, mon point de vue ne serait que la vision d’un tout petit enfant avec ses souvenirs de l’école, de la famille et des amis autour de lui. Par contre je peux bien me prononcer sur le Maroc et le Canada.
Je dirais d’emblée que ces deux pays ne sont pas comparables, car nous nous entendons bien qu’ils sont dans deux continents différents, avec leur culture bien distincte, leur climat antinomique, leurs langues totalement différentes, etc…
Les avantages de vivre au Maroc c’est d’abord cette chaleur humaine que nous ressentons dans le contact relationnel (les personnes qui se regroupent pour aider un des leurs…) ; c’est ensuite la présence de sa propre famille (comme je suis marocain et la majorité de ma famille vit au Maroc), et encore mieux, c’est le fameux « Karam Diafa » (hospitalité) reconnu des marocains par la bouche même des étrangers qui visitent ce beau pays et qui disent de lui « c’est un pays enchanteur, avec des habitants à l’hospitalité légendaire et non-usurpée ! »
Les inconvénients existent dans tout les pays, mais le plus marquant dans mon cher pays selon moi, c’est cette fameuse formule que toute personne (marocaine ou étrangère) a vécu d’une manière ou d’une autre vis-à-vis des papiers administratifs »le papier magique » : même si on prépare tout les documents, photocopies, photos, fichiers requis, il y a toujours quelque part le manque d’un document ou d’une feuille ou d’une carte ou autre qui devrait compléter nos dossiers. Avouons-le tout de même, les administrations se sont nettement améliorées ces 10 dernières années.
Quant aux avantages du Canada, c’est tout d’abord ce sentiment de sécurité quotidien (bien sûr il y a des exceptions), pas trop de conflit ni de stress si on gère bien son quotidien; ensuite je citerais, d’une manière générale, la situation économique et la santé financière du pays, rappelons que le Canada fait partie des G8; puis il y cette multitude de services et de programmes adaptés aux citoyens selon leurs situation que l’on trouve pas dans d’autre pays (le Canada est bien classé sur le plan du développement humain).
Et pour les inconvénients je ne peux nier ce sentiments de froideur dans les relations entre les gens, mais qui s’explique par l’esprit pragmatique naturel des canadiens (le contact passe, on va droit au but »straight to the point », mais la relation n’évolue pas plus); d’autre part on ne peut pas parler du Canada sans parler de la neige et du froid, beaucoup de gens en parle mais ce que je réponds après mes 12 ans de vie au Canada au sujet de ce point-ci est la chose suivante: « la chaleur des droits humains que vous trouverez, vous fera oublier la froideur du climat glacial de ce beau pays ! »
4- On dit souvent que l’obtention d’une résidence canadienne sur le continent africain est très longue. Peux-tu nous en parler ? Combien de temps as-tu mis pour obtenir ton visa ? N’est-ce pas un peu décourageant d’attendre aussi longtemps ? Est-ce qu’on ne se dit pas que certains pays (qui obtiennent un visa en moins de 1 an) sont davantage privilégiés ?
Certes, la durée de traitement des dossiers d’immigration de certains pays africains est longue, comparativement à d’autres continents et la raison selon moi, réside dans les deux points suivants : d’une part il y a la bureaucratie qui consomme beaucoup de temps pour préparer toute documentation nécessaire et pour répondre adéquatement aux exigences d’Immigration Canada, et d’autre part, il y a le nombre grandissant de dossiers à traiter, mais qui est valable dans d’autres régions et non pas exclusivement aux pays africains.
Je ne pense pas que c’est une question de privilège.
Par exemple, selon Citoyenneté et Immigration Canada la durée de traitement des dossiers (80 pour 100 des cas réglés, avant 27 février 2008) des travailleurs qualifiés entre le 1er avril 2014 et le 31 mars 2015 de Abou Dabi les Emirats Arabes Unies est de 55 mois, de Ankara-Turquie est de 52 mois, de Moscou-Russie de 51 mois, alors que la durée pour Nairobi – Kenya est de 49 mois, celle d’Accra – Ghana elle est de 35 mois et du Caire – Égypte n’est que de 31 mois. Pour ma part cela a pris 3 ans.
Quand j’y pense, je dirais que lorsqu’on prépare un projet de vie et qu’on est armé de volonté pour réussir, il faut se mettre dans sa tête que c’est une affaire de longue haleine et que cela prend le temps qu’il faudra. On ne devrait pas se décourager pour autant. J’ajouterais que cette longue attente est aussi une forme de test personnel : on teste notre résilience aux hasards de la vie, on apprend la persévérance et surtout la confection d’une volonté de fer pour affronter les aléas de la vie d’expatriation.
5- Tu as vécu dans 3 provinces canadiennes, peux-tu nous parler un peu de ton parcours à Montréal, Ottawa et Fredericton ?
Tout d’abord, j’ai assuré mon point de chute en choisissant Montréal dans laquelle vivaient un ex-collègue de classe, un ex-collègue de travail et l’ami d’un ami. Ceci m’a permis d’atténuer le dépaysement et d’avoir mes premières références afin de faciliter mon intégration.
J’ai réalisé avec le temps qu’on a beau à être bien éduqué, bien instruit, ouvert d’esprit, respectueux, courtois, patient, intègre, discipliné, plein de bonnes volontés, etc…. ces qualités ne valent rien devant le climat qui régnait à l’époque au Québec (j’avais indiqué que je suis arrivé 2 ans après les fatidiques évènements du 11 septembre).
La réponse d’une agente de Ressources Humaines et Développement Social Canada (nommée après 2006 « Emploi et Développement Social Canada »), dans laquelle elle avoua l’existence d’un climat nauséabond et expliqua que les employeurs sont nuancés et esquivent l’embauche de certains immigrants, m’a fait comprendre qu’il serait judicieux de trouver d’autres moyens pour franchir les différents obstacles rencontrés.
J’ai donc opté d’abord de mettre une « couche canadienne » sur mes « diplômes marocains » : des études collégiales pratico-pratique en comptabilité financière avec un stage de fin d’étude ; Ce qui m’a permis d’obtenir mon premier petit emploi, grâce à mon petit réseau de connaissances. Ensuite j’ai cherché à améliorer mon anglais pour booster ma carrière, car sans l’anglais on stagnera professionnellement.
L’idée de déménager à Ottawa naquit d’abord de ce désir de performer mon anglais, puis de cette envie de déguerpir de cet environnement essoufflant créé par l’affaire des accommodements raisonnables qui sévissait au Québec et puis surtout de l’expérience d’un ami qui quitta le Québec pour la Saskatchewan : travailler pour un organisme francophone dans une province anglophone.
Une offre alléchante à Ottawa, déclencha donc le déménagement !
Je dois avouer que depuis que j’ai mis les pieds à Ottawa, j’ai senti comme si je recommençais mon immigration mais cette fois-ci dans un « nouveau Canada », je n’ai pas d’explication concrète, mais c’est juste un ressenti. Je bénéficiais de mes expériences vécu à Montréal, et faisais en sorte de fructifier tout ce que je réapprenais en vivant dans cette ville.
Coté professionnel, d’un poste temporaire dans une société de la couronne pour 8 mois, j’ai obtenu un contrat à durée indéterminée, et coté personnel, j’ai pu étoffer mon réseau avec des personnes de plusieurs catégories socio-professionnelles et différents horizons (fonctionnaires, diplomates, …) ce qui enrichissait ma vie personnelle.
J’ai eu le goût également d’ajouter une maitrise à mon cursus académique, puis comme je vivais dans la région de la capitale nationale et que la majorité des sièges des ministères s’y trouve, j’ai opté pour l’École Nationale de l’Administration Publique tout en travaillant. Chose que la majeure partie des Canadiens font (études et mise à jour de leurs connaissances tout en accumulant de l’expérience professionnelle).
Ce n’était pas facile, je travaillais, j’étudiais et surtout je vivais seul, mais quand on est déterminé, on a une volonté de fer, et surtout qu’on vit dans un climat que j’appellerais « Ottavien », on trouve le moyen de réussir.
Puis le choix de Fredericton s’explique par le fait que, j’ai eu une ouverture pour travailler dans un ministère qui cherchait activement des personnes bilingues et qui étaient prêts à déménager au Nouveau-Brunswick.
J’avouerais aussi que l’autre raison est ce petit plaisir que je trouve dans mon cœur d’aller découvrir une autre facette du Canada : les Maritimes !
6- As-tu une préférence pour une de ces 3 villes ?
Absolument : Ottawa !
C’est une des meilleures « places » où il fait bon de vivre au Canada. Les habitants de cette magnifique ville le savent et les experts et analystes de différents horizons le confirment (plusieurs études l’approuvent).
Le marché de l’emploi est dynamique (la présence des ministères, des ambassades et représentations diplomatiques, ainsi que 4 grandes universités y sont pour quelque chose), le coût de la vie est dans la moyenne, les activités socio-culturelles gagnent du terrain d’année en année.. On reprochait souvent qu’Ottawa d’être une ville de fonctionnaires, certains disaient que c’est une ville pépère… plus maintenant ! Les choses ont bel et bien changé depuis pas mal d’années, d’ailleurs c’est une belle « place » pour les immigrants francophones qui sont en quête du bilinguisme (améliorer leur anglais).
7- Quelles différences majeures vois-tu entre ces 3 villes ?
J’ai toujours aimé faire des comparatifs avec plusieurs villes du Canada et j’ai appris avec le temps qu’en plus des spécifiés de la ville en elle-même, il faut prendre en considération la particularité de la province où se trouve la ville en question (système de taxes, aspect fiscal, programmes sociaux, etc…).
Brièvement je dirais que, Ottawa est une ville à dimension humaine alors que Montréal est une grande métropole et Fredericton une petite ville.
Montréal possède une culture francophone plus forte que les deux autres villes, le coût de la vie est moindre et elle est très active du point de vue activités culturelles, sociales, sportives, etc… d’un autre côté, d’année en année elle devient saturée et comme on dit « big cities, big problems! »
Fredericton est un refuge de paisibilité (je lui ai trouvé une appellation car elle lui colle bien : la victorienne silencieuse) les gens sont très aimables et amicaux, et elle n’est pas si loin de la mer. Les prix des maisons sont des plus abordables. Sauf qu’il faut d’abord trouver ce travail, qui permet d’acheter cette maison et se permettre des escapades pour aller voir ce bord de la mer et savourer ce côté friendly de ses habitants.
Ottawa a tout ce qu’il faut pour y vivre, l’existence des institutions gouvernementales, d’établissements diplomatiques et de quelques universités, contribuent à son dynamisme. S’il y avait un peu plus d’aides aux familles avec enfants en bas d’âge (notamment si l’un des conjoints ne travaille pas) elle serait parfaite.
8- Peux-tu rapidement nous parler de Fredericton, c’est une ville que peu de gens choisissent.
Je la nomme la victorienne silencieuse, car on y trouve plein de maisons avec un cachet victorien et elle inspire une sensation de quiétude.
En se baladant dans les artères de cette ville on dirait qu’on est dans les années 1800, où la structure des maisons nous fait penser à un musée à ciel ouvert de maisons victoriennes. Son centre-ville dégage un charme singulier, sa juxtaposition de la rivière de Saint-Jean contribue à cette paisibilité et les gens sont courtois et se disent « good morning !… hello !… bonjour !… hi !… » à chaque fois qu’on se croise, dans la rue, dans le supermarché, à la bibliothèque, aux parcs etc.. Son marché agricole W. W. Boyce, situé sur la rue George, quoique petit et ouvert juste les samedis en matinée, est un lieu de rencontre rituel de ses habitants qui gardent cette tradition de longue date.
C’est une petite ville d’environ 60.000 habitants, la majorité des établissements fédéraux et provinciaux s’y trouvent, en plus d’une université UNB bien classée dans la catégorie « universités innovatrices » au Canada par MacLean’s magazine (2013). Il y a rarement du trafic aux heures de pointes (pas plus de 10mn de bouchons), la nature y est abondante; le parc Odell (sur la carte on peut voir qu’il prend presque le quart de la partie sud de la ville) contient un mélange somptueux de jardins aménagés, agrémentés de rhododendrons (des plantes formant des arbustes étalés ou arrondis) et d’autres plantes en plein forêt. Il y a un aspect rural au sein même de la ville.
Le prix des maisons est très abordable à Fredericton. Selon le Demographia International Housing Affordability Survey « les marchés immobiliers les plus abordables au Canada sont Moncton et Fredericton, au Nouveau-Brunswick » (Janvier 2015). Même son de cloche chez la banque RBC « les provinces atlantiques arrivent au premier rang canadien quand vient le temps d’acheter une maison à prix abordable » (Mars 2015).
Seulement voilà. Malgré ce qui vient d’être cité je constate que la ville n’échappe pas à un ensemble de facteurs dissuasifs :
Selon la récente étude de l’Institut d’études urbaines et communautaires de l’Université du Nouveau-Brunswick, il parait que les citoyens de la province (par rapport à tout le Canada) sont beaucoup trop dépendants de l’automobile et n’ont pas de transports publics adaptés à leurs besoins.
La ville de Fredericton est petite et a un grand côté rural, cette ruralité est un facteur important expliquant cette dépendance à la voiture, par conséquent qui dit plus de voitures dit faire plus de distances, donc plus de charges, et moins d’économies… l’Institut estime d’ailleurs que le système de transports en commun actuel est désuet « Pour franchir une distance de 9 kilomètres, qui prendrait 15 minutes en voiture, il faut parfois faire jusqu’à une heure d’autobus ».
Autres facteurs, l’existence d’une seule et unique association d’aide aux immigrants (MCAF) qui malgré les efforts de ses employés, n’arrive pas au niveau escompté de la part des nouveaux arrivants. Le point est beaucoup plus mis sur les immigrants entrepreneurs, mais il n’y a pas grand-chose pour les immigrants des autres catégories, et certains agents demandent même de revoir les attentes à la baisse expliquant constamment, d’une manière subtile, qu’il n’y a pas beaucoup d’offres d’emploi dans la ville.
Les statistiques viennent confirmer cela. Pas plus tard que la semaine passée, Statistiques Canada a indiqué que le taux de chômage de la province a bondi de 9,6 % en mai à 11 % en juillet 2015 dépassant à nouveau la barre symbolique des 10 %.
J’ai également remarqué que les gens préfèrent prendre leur voiture et sortir de la ville, certains cherchent davantage à faire des activités à Moncton, d’autres vont se réjouir de la beauté du Hopewell Rock, de la baie de Fundy voire même d’aller visiter les provinces avoisinantes. On a aussi l’impression que la ville se vide, car les jeunes, une fois le diplôme en poche, préfèrent aller vers l’ouest pour chercher du travail.
D’autre part, la ville n’est curieusement pas si abordable que ça. Ceci reste peut-être quelque chose de personnel, mais en comparant avec le coût de la vie que j’avais eu à Ottawa et Montréal je trouve qu’à Fredericton, faire ses courses coûte plus cher.
Finalement, le climat hivernal est coriace à Fredericton. Honnêtement je ne m’en pleins pas ayant vécu 12 hivers canadiens, mais c’est la première fois de ma vie que je suis obligé d’appeler, là où je travaille, un nº spécial (État-opérationnel) pour savoir si on devrait se rendre au travail à l’heure habituelle, un peu plus tard ou pas du tout.
J’ai même entendu des résidents de longues date dans la ville, qui se plaignaient et n’en pouvaient plus de déneiger constamment. De temps en temps, on reçoit de violentes tempêtes hivernales qui déclenchent des vents puissants et qui amènent de fortes chutes de neige avec elles. Les vols sont annulés, les écoles, les bureaux gouvernementaux et les universités un peu partout dans la province ferment. Plusieurs événements ou plans prévus devraient être revus ou annulés.. tout un casse-tête !
Ceci cause beaucoup de soucis, car souvent l’entreprise des parents reste ouverte mais pas l’école des enfants, comment gérer cet imprévu ?. Ou bien en prévision d’une tempête en fin de journée, les écoles décident de renvoyer les enfants un peu plus tôt, alors que faire ?
En résumé sa paisibilité, sa nature, et la chaleur accueillante de ses habitants lui donnent un statut de ville canadienne bien particulier, c’est beaucoup plus une ville faite pour les familles, alors si on possède un travail consistant, et on recherche une vie simple, paisible et familiale, Fredericton est l’endroit parfait !
9- Tu as commencé au bas de l’échelle par des petits boulots mais tu travailles maintenant pour le gouvernement ! Est-ce que tu peux nous parler de ton parcours professionnel ? Comment as-tu vécu ces premières années de vaches maigres ?
Comme tout immigrant, j’ai frappé à différentes portes, j’ai accepté des petites jobines et je n’ai surtout pas baissé les bras.
Je suis passé d’agent de centre d’appels avec salaire minimum, à caissier de nuit dans un ‘« couche-tard’ » (petite superette), j’ai servi la clientèle, lavé la vaisselle, passé des coups de serpillière, soulevé des barquettes sur mon épaule…. J’ai réalisé que pour obtenir un travail à la hauteur de mes aspirations, il fallait mettre une « couche canadienne » sur mes connaissances et donc j’ai préféré faire des études collégiales pratiques mais de courte durée, puis débuter en bas de l’échelle, pour ensuite gravir les échelons et plus tard -si besoin- faire des études universitaires. J’ai constaté également qu’améliorer mon anglais ouvrirait encore plus de portes.
J’ai donc quitté Montréal pour Ottawa, et commencé par un travail temporaire, puis une fois que j’ai démontré mon savoir-faire et mon savoir-être, j’ai été titularisé. Malgré un léger passage à travers une grève, qui a duré quand même plus de 3 mois, et une situation difficile (des coupures budgétaires et des licenciements), ainsi qu’un changement de gestionnaires, j’y suis resté presque 7 ans. J’ai par la même occasion amélioré mon anglais et entamé des cours du soir pour une maitrise en administration publique tout en postulant pour un travail au gouvernement.
Trouver un travail au gouvernement est un exercice de longue haleine, cela prend du temps, beaucoup de temps, même après avoir passé toute une armada de test, des entrevues, des examens de langues, une enquête de sécurité… on peut se retrouver à la fin et au mieux dans un « bassin de candidats ». Ce qui est bien, mais cela ne garantit pas pour autant de se faire offrir le poste !
Mais je dois avouer que, ce parcours a forgé mon expérience dans les rouages de la recherche d’un emploi avec le gouvernement canadien et a façonné ma façon de présenter et valoriser mon profil. Ce qui m’a permis de très bien négocier mon tout premier travail.
10- Tu es au Canada depuis 12 ans, est-ce que les Marocains s’installent généralement pour de bon au Canada ou est-ce qu’ils font comme les Français et rentrent en France après quelques années à l’étranger ?
D’après les discussions avec un ensemble de compatriotes, j’ai déduit qu’il y a 3 tendances : la première est restée au Canada, en changeant à une ou deux reprises de villes et provinces. J’ai rencontré certains qui sont là depuis presque une bonne 20taine d’année et qui avec le temps ont amené leur famille au point d’avoir plus de membres de leur famille ici qu’au Maroc.
L’autre partie (presque moins d’un tiers) retourne au Maroc soit après en moyenne une 10zaine d’année, diplôme en poche et expériences acquises (très rarement un retour avec une bagatelle somme d’argent), soit après quelques années de galères ou suite à une situation personnelle ou familiale.
Finalement il y a une petite partie, qui au début avait l’intention de rester au Canada mais un ensemble de circonstances les a poussé à se re-expatrié ailleurs, principalement aux pays Arabes du Golf suite à des contrats de travail alléchants.
Les circonstances de la vie changent constamment dans la vie d’un immigrant, par conséquent les plans d’expatriations changent: un mariage, l’avènement d’un enfant, le décès des proches ou la perte d’un enfant ou du conjoint, un divorce, une perte abrupte d’emploi, ou à l’inverse une offre de travail ailleurs qui ne se refusent pas… sont autant d’éléments qui interviennent dans la décision de rester ou retourner ou quitter ailleurs. Le plus judicieux c’est d’abord de se mettre dans la tête un plan d’action en fonction de la situation et surtout s’adapter avec les aléas de la vie.
Jusqu’à présent la majorité des Marocains que j’ai connu sont restés au Canada et il y en a même qui après quelques années au Canada et un retour au Maroc ils sont décidé finalement de re-immigrer au Canada une bonne fois pour toute.
11- Tu te vois rentrer au Maroc un jour ?
Je me dis souvent que » Nulle âme ne sait ce qu’elle acquerra demain (en bien ou en mal), nulle âme ne sait le lieu de son trépas » (Luqman, 31 : 34) ceci étant dit, je reste ouvert à toute les opportunités que m’apportera la vie.
J’ai eu la chance d’être né dans un pays Africain Arabo-musulman le Maroc, de passer mes 7 ans d’enfance dans un pays Européen la France, de vivre dans un pays Nord-Américain le Canada, de me marier avec une adorable femme d’un pays Asiatique l’Indonésie… de ce fait je sens que je suis un citoyen du monde qui est capable de se re-expatrier si le cœur me le dit et de recommencer encore et encore une nouvelle vie.
Je serais beaucoup plus partant si je reçois une offre consistante de travail avec une organisation mondiale dans certains pays …. Comme le Maroc.
12- Peut-être un dernier mot pour les gens qui te lisent ?
S’expatrier est une aventure à dimension humaine, quand on la prépare, en plus du côté matériel, on prépare notre mental, notre volonté et notre personnalité à cette aventure.
Nous nous concentrons sur la recherche de cet environnement économique favorable, de ces nombreux débouchés professionnels, d’un meilleur cadre de nos enfants, leur sécurité et la qualité de leur éducation… mais nous devrions se donner les outils pour le faire, prévoir l’imprévisible (quoiqu’on ne peut pas tout prévoir mais à la rigueur on se donne une issue de secours au cas où) et cela ne peut se faire que si nous préparons notre mentalité, notre volonté et notre personnalité adéquatement.
Puis un point plus important que j’ai constaté courant mes 12 ans d’immigration. Beaucoup d’immigrants se disent qu’ils ne se sentent pas vraiment chez eux, car ils ont immigré et ont trouvé toute une société déjà faite. Je leur répond :UN IMMIGRANT VIENT CHEZ LUI, veut, veut pas un immigrant est chez lui, que l’immigrant le veut ou pas … c’est à force de permettre aux autres ou à sois même de se considérer chez autrui que certains immigrants se sentent étranger.
On arrive étranger, on s’acclimate, on s’intègre et jour après jour on ajoute une brique dans cette édifice jusqu’à le construire avec notre parcours de vie et on faire le notre.
Merci
3 Commentaires
Amandine
11 octobre 2015 at 10:17 pmSuper interview ! C’est rare de lire ce genre de parcours mais c’est très enrichissant 🙂
Gass
12 octobre 2015 at 7:07 amCommis de bureau après 12 ans au Canada et une maitrise ! ben là … à 40 ans on devrais être un responsable, ou un gérant ! D’autant plus qu’on a l’expérience et l’éducation adéquate. Franchement , le Canada est le cimetière de la carrière.
Lisa
12 octobre 2015 at 11:00 amJe vais laisser Adbelkader répondre mais je ne sais pas exactement quand il a fait sa maitrise, de plus il a bien précisé avoir été au Canada anglophone pour améliorer son anglais. Tout ça prend beaucoup de temps et tout dépend aussi du job que l’on veut ensuite exercer. Je ne suis pas sûre que tout le monde rêve d’être responsable ou gérant à 40 ans comme tu le soulignes. Beaucoup de gens souhaitent avoir un job fixe et qui paye à la fin du mois sans avoir à se stresser parce que son équipe n’a pas bien fait ça ou ça ou parce qu’on n’est pas surs de boucler les fins de mois. Ton avis est très personnel et dépend de la carrière que tu veux avoir. Dire que le Canada est le cimetière de la carrière est une généralité basée, a priori, uniquement sur ce témoignage. Abdelkader ne dit aucunement qu’il est très déçu par son parcours et les possibilités d’emplois qu’il a pu avoir. Je pense vraiment qu’il ne faut pas lire l’interview de la sorte mais plutôt y voir le parcours de quelqu’un qui a galéré pour se faire sa place au soleil (il parle du climat très négatif après le 11 septembre au Québec et s’en est pourtant sorti alors que ça semblait mal parti !). Justement, il me semble que toute l’interview est la preuve que l’on peut s’en sortir même si le chemin est long et parsemé d’embûches.