Ne vous fiez pas à la modestie de Jean-François, il est en réalité un véritable aventurier qui a vécu dans plusieurs pays avant d’arriver au Canada et de retenter une autre aventure plusieurs années plus tard… Si celle-ci vous intéresse, vous pouvez suivre son blog. Toujours réaliste et doté d’un humour parfois grinçant à l’encontre de ses pays d’adoption, je me devais de l’interviewer.
Présente-toi un petit peu. Quelle est ta tranche d’âge et que fais-tu dans la vie ?
Je m’appelle Jean-François et j’ai la petite quarantaine (l’âge exact se perd avec le nombre des années). Toulousain de naissance et alsacien par le sang. Je travaille dans les ressources humaines et plus particulièrement dans le domaine des calculs de fonds de pension (Defined Benefits et Defined Contributions) ainsi que dans les avantages sociaux (médical, dentaire, assurance-vie, etc.) Je me trouve actuellement à Montevideo (Uruguay).
Plutôt posé ou aventurier ?
Définitivement un soupçon d’aventurier quant mon corps et mon mental en ont besoin. L’aventure a un prix à payer mais quel plaisir de la réussir plus ou moins quelque soit l’endroit.
Je me pose aussi par moment mais la piqûre de rappel de l’aventure reprendra le dessus car je m’aperçois que la routine tue la vie de tous les jours. Profitons de la vie au maximum car la vie, elle, elle n’attend pas le temps.
Tu as vécu plus de 10 ans au Canada et es même devenu citoyen canadien, quelles sont tes conclusions après autant de temps passé sur le territoire ?
Tout en ayant toujours mon passeport français, car c’est mon pays de cœur, je suis devenu citoyen canadien afin de remercier le Canada puisque c’est ce pays qui m’a donné la chance de démarrer une vie professionnelle sans trop d’encombrement (oui, je sais, ça fait un peu cliché comme explication). Une carrière que j’ai construite à coups d’efforts, d’heures sup, de travail durant les week-ends, de loupage d’épisodes de »Bachelor », etc. Une carrière que je n’aurais jamais pu faire en France dans mon cas. Comme tous les pays, le Canada a des points positifs comme des points négatifs. Tout le monde, sans exception, peut avoir une chance de réussir mais il faut y mettre de l’acharnement et du temps. Autant un diplômé qu’un autodidacte peut réussir dans ce pays. Mais il y a une façon de vivre et un style de vie qui ne sont pas faciles à apprivoiser vu d’un œil européen.
Tu as décidé de retenter une nouvelle aventure en Uruguay l’an dernier, pourquoi ?
Déjà, j’ai choisi ce pays parce que ma conjointe vient de Montevideo et j’avais besoin de prendre un « break » de la vie trépidante nord-américaine qui me sort par les yeux par moment. Le travail, toujours le travail… Ok. Mais jusqu’à une certaine limite. La vie, la famille existent aussi et c’est important d’en prendre soin. Au Canada, on a du mal à concilier famille et vie professionnelle donc j’ai décidé de partir afin de me reposer, de réapprendre à vivre normalement avec ma conjointe, de communiquer ensemble, de rire ensemble, de bien bouffer et de profiter de la vie pendant ce congé sabbatique. J’avais aussi besoin de prendre mes distances du monde de la consommation à outrance.
Mais finalement tu as décidé de rentrer au Canada, pourquoi pas en France ?
Mon retour n’est programmé que pour l’année prochaine mais tout peut arriver entre temps. L’aspect qui me fait revenir au Canada est financier car les salaires sont bons. Je rêve de revenir en France un jour car ce sont mes racines mais pour le moment, je me vois mal dans le bourbier de la France et des gens qui râlent tout le temps pour un rien. Oui, la vie n’est pas facile et on doit faire des sacrifices mais il faut aussi reconnaître les bons côtés du pays (médical, qualité de vie, etc.) Ça, les gens ne le voient pas et ce n’est pas en râlant que l’on fera avancer un pays. Venez faire un tour dans les quartiers (ou bidonvilles) des exclus d’Amérique du Sud ou Centrale et la, vous verrez que nous ne sommes pas à plaindre! Donc, pour le moment, je ne me vois pas en France mais je tâte le terrain régulièrement car j’aime trop les tartes flambées et le foie-gras!
On dit que partir c’est mourir un peu chaque jour mais que mourir c’est partir beaucoup ! Qu’en penses-tu ?
De toute façon, on partira bien un jour. On n’a pas le choix mais si on peut en profiter au maximum, autant en prendre avantage car on gardera des tonnes de souvenirs dans la tête et on pourra les raconter à ceux qui n’ont pas eu la chance de les voir.
Quelle est finalement la principale difficulté que tu as rencontré au Canada ?
Je vais répondre sans trop caricaturer : les Canadiens sont faux et ils ne te diront jamais tes quatre vérités en face. Ils n’aiment pas les critiques sur un travail qu’ils ont effectué car ils s’auto proclament »spécialistes » dans tel ou tel »domaine » donc ils n’acceptent pas facilement la défaite (ils vont toujours trouver des excuses). Faces au mur, ils vont faire des remarques sur ton accent ou quelque chose relié à ton origine ethnique même s’ils vont clamer qu’ils sont tolérants. Ils boivent aussi des tonnes de café »made in jus de chaussette » imbuvables.
Au contraire, qu’est ce qui a changé d’un point de vue positif depuis que tu ne vis plus en France ?
J’ai appris à me battre dans mon travail et à prendre confiance en moi dans ce que j’entreprends. Cela ne veut pas dire que ce fut un succès sur toute la ligne mais avec mes erreurs, j’ai appris à mieux contourner l’obstacle la fois suivante. Il n’y a pas trop de hiérarchie au Canada donc tu peux aller voir ton chef pour exposer tes idées ou ton problème. Une ouverture d’esprit « ethnique » que tu trouves dans Toronto car le monde s’est donné rendez-vous ici.
As-tu des amis canadiens ? On dit que c’est tellement difficile de s’en faire…
Amis canadiens: Niet ! J’ai des amis canadiens mais d’origine croate, australienne, allemande, etc. Mais d’avoir des amis 100% canadiens, pas pour le moment mais ce n’est pas un obstacle pour moi car je ne regarde pas d’où viennent les gens. On a tous la même couleur de sang. Et oui, c’est difficile de se faire des amis « canadiens » si on n’est pas un toxico du hockey, du base-ball, de la bière et des donuts 300% calories grasses. La mentalité, la façon d’agir, de penser ou même de manger feront que cela sera difficile de se faire des amis quelque soit l’endroit où nous sommes… même en France!
As-tu une anecdote ou un souvenir qui t’a marqué à nous faire partager ?
Qu’il y a 10 ans, on ne trouvait rien en yaourts et en fromages. Aujourd’hui, on a un bon choix même si on est loin des standards français.
Quels conseils donnerais-tu à quelqu’un qui souhaite venir tenter l’aventure ?
De foncer mais ce ne sera pas facile. Ce qui facilitera plus ou moins l’aventure, ce sera une très bonne préparation, une très bonne motivation et d’être surtout réaliste. Personne ne vous attend et vous ouvre les bras. Accepter aussi que cette aventure peut être un échec donc être préparé.
Et alors le Canada, c’est vraiment l’eldorado ?
Plus maintenant. Il y a 10 ans, oui, le Canada était plus ou moins un eldorado. Aujourd’hui, la réalité est moins facile mais on peut encore bien réussir.
Pour la suite de ses aventures c’est par ici.
11 Commentaires
Thierry
11 décembre 2011 at 11:42 amMerci pour cette interview. Je me retrouve beaucoup dans vos propos, cher Jean-François.
Un Toulousain de coeur vivant à Québec depuis 3 ans !
C.
11 décembre 2011 at 7:15 pmMoi aussi, je m’y retrouve dans tes propos cher JF.
Bonne continuation 🙂
C.
Amandine
11 décembre 2011 at 7:23 pmBeau parcours que celui de Jean-François !!
J’aime cette interview naturelle et mature !
Bonne continuation
Yohan
12 décembre 2011 at 4:59 pmTres bonne interview, très réaliste. Je me reconnais totalement….
Concernant le fait d’avoir des amis canadiens, je me souviens des étudiants étrangers qui étaient dans ma fac à Paris et personne n’allaient vers eux non plus…ils restaient entre eux comme les frenchis ici 😉
Donc bon, faut relativiser et laisser faire la vida…
Jean-Francois
12 décembre 2011 at 6:09 pmBon, merci à tout le monde car je vois que tout le monde est d’accord, pour le moment, avec mes commentaires :). J’ai juste donné un avis non biaisé aux gens et j’espère que cela poussera de nouveaux jeunes ou moins jeunes à tenter ce genre d’expérience car malgré le parcours du combattant, ça vaut le coup car au moins on pourra dire » je l’ai fait donc je ne regrette pas ». Bonne chance à tous! Et merci ma petite Lisa 😉 pour cet interview. On se boira une bière sur une terrasse un de ces jours.
elisacanada
13 décembre 2011 at 8:09 amC,est marrant comme les expériences peuvent etre différentes car pour nous ce n,est pas du tout la même chose. Tout d’abord c’est au canada qu’on a appris qu’il avait une vie après le travail. En France, nous étions plus carriéristes et faisions des horaires de fou. Ici on quitte le boulot plus tot. On habite à 45min a l’ouest de Mississauga , dans la campagne et nous aimons profiter un max de la nature. Il y a tant d’activités outdoor à faire.
Un deuxième point qui différé de Jean Francois par rapport a nous c’est le sujet des mis canadien. La premiere année c’est vrai que nous n’avions que des amis du boulot et plutôt européens, par contre maintenant apres 3 ans, les vrais amis sont des canadiens. C’est peut être différent a la campagne et plus facile, je ne sais pas .
Enfin belle interview quand meme
Bises
Elisacanada
liseNY
16 décembre 2011 at 8:38 amtout bon, les questions, bien posées et courtes, ainsi que les réponses, claires, articulées qui aideront ceux qui les lisent, merci à vous deux. Il y a un enrichissement humain incontestable a sortir de soi et de chez soi, et c’est ici clairement démontré.
Et Joyeuses Fêtes de fin d’année à vous tous.
Jean-Francois
16 décembre 2011 at 6:32 pm@Elisacanada,
Ce que tu dis concernant les heures folles en France est un sujet dont on parle rarement car tout le monde pense à l’extérieur de la France que le français est un mec qui ne travaille pas plus que 35h. C’est faux car énormément de gens travaillent des heures de fou comme les boulangers, les petits commerces, etc… Un mythe qu’il faudrait un peu dépoussiérer.
Pour les vrais canadiens, tu as l’avantage de ne pas travailler en ville (comme Toronto) et de vivre en dehors de celle-ci. C’est vrai que l’immigration en »campagne »n’existe presque pas car l’immigration reste dans les centres urbains. Donc, c’est plus facile de rencontrer des canadiens (des »vrais caribous ») en dehors des centres urbains. Les gens de la campagne n’ont absolument rien à voir avec ceux de la ville. C’est deux mondes différents. 🙂
K@rine
27 janvier 2012 at 8:00 amMerci Jean-François pour ton ressenti.
=> » Ils boivent aussi des tonnes de café »made in jus de chaussette » imbuvables »
Mais c’est le paradis des belges !!! J’ai enfin trouvé mon eden lol
chapochnikov
2 mars 2012 at 5:07 amLes « standards français » : pour avoir pas mal voyagé (autres pays d’Europe, USA, Asie, Amérique latine), je ne vois pas en quoi il sont si extraordinaires ces « standards » , que ce soit sur le plan culinaire (la France est le 1er pays pour les McDos en Europe), ou sur le plan de la qualité des produits ou de l’innovation (les faiseurs de cocoricos finiront par nous faire croire que Apple®est une marque française si çà continue…)
[Interview] 3 ans après… Jean-François à Toronto | French With Benefits
14 décembre 2014 at 6:32 am[…] Jean-François était parti s’installer quelques mois en Uruguay il y a 3 ans et était tout juste de retour à Toronto quand je l’ai interviewé. Un retour en Europe semble aujourd’hui inévitable. […]